Un milliardaire s’offre la Régie du Rhône
Les nouveaux propriétaires affirment garder les 155 collaborateurs de cette société, qui en occupe une centaine à Genève
Redistribution des cartes dans le marché très concurrentiel des régies immobilières genevoises. Le groupe financier Investis, contrôlé par le Valaisan Stéphane Bonvin, a vendu pour un prix non communiqué la Régie du Rhône à une société (Immoparticipation SA, à Fribourg) dominée par la famille Berda.
Le chef de tribu, Claude Berda, ainsi que son bras droit en Suisse, Jean-Bernard Buchs, sont associés dans cette affaire, et bien d’autres, avec le régisseur Jérôme Félicité. Entre eux, l’idylle dure maintenant depuis 2015, lorsque le milliardaire Claude Berda est entré au capital du groupe immobilier genevois Gerofinance-Dunand, dirigé par Jérôme Félicité. Pour le meilleur et pour le pire, comme tout mariage. «Nous nous entendons très bien», résume le régisseur, dont le groupe emploie 180 personnes et gère 1300 immeubles résidentiels pesant un état locatif de 500 millions de francs.
La Régie du Rhône sera-t-elle intégrée dans ce groupe? Pour l’heure, Jean-Bernard Buchs indique que «l’ensemble du personnel est repris, aux mêmes conditions». La Régie du Rhône emploie 155 personnes, dont une centaine à Genève, où elle a son siège, et près d’un quart dans le canton de Vaud. L’an dernier, elle a dégagé un chiffre d’affaires de 20 millions de francs. Le bras droit de Claude Berda ajoute que «des synergies seront possibles entre Gerofinance et la Régie du Rhône, notamment dans le domaine informatique», et que pour assurer son avenir, une régie immobilière doit atteindre une taille critique minimale.
«J’ai avec Claude Berda des relations très anciennes et exclusivement amicales» Frédéric Salat-Baroux, Administrateur de Bugena SA et d’Immoparticipation SA
Si l’intérêt de Jérôme Félicité, qui «est satisfait que cette régie reste dans le giron d’un groupe régional romand», semble évident, pourquoi l’homme d’affaires Claude Berda mise-t-il ainsi sur une société de services immobiliers? Cet entrepreneur d’origine française mais détenteur d’un passeport suisse est connu à Genève pour mener l’une des plus importantes opérations immobilières du canton, celle du quartier de l’Étang. Cet immense chantier est piloté par la société Bugena SA.
Détenant un carnet d’adresses de haut calibre, Claude Berda peut notamment compter sur les conseils avisés de deux avocats d’affaires parisiens, Alain Maillot et Frédéric Salat-Baroux. «J’ai avec Claude Berda des relations très anciennes et exclusivement amicales, précise ce dernier. Par amitié, j’ai accepté de devenir l’un des administrateurs indépendants de son groupe. Je tiens à préciser que je ne suis absolument pas rémunéré pour cette fonction.»
Ancien secrétaire général à l’Élysée, sous la présidence de Jacques Chirac, et gendre de l’homme politique français depuis son mariage avec Claude Chirac, en février 2011, Frédéric Salat-Baroux précise encore n’avoir aucun intérêt particulier pour des investissements immobiliers en Suisse, et à Genève en particulier. Les deux avocats sont aussi entrés en début d’année dans le conseil d’administration de Bugena SA.
Si les apparitions publiques de Claude Berda à Genève sont très rares, il suit ses affaires avec beaucoup d’attention. Désormais installé au Portugal après avoir longtemps résidé en Belgique, âgé de 72 ans, il doit se préoccuper de l’avenir de son empire. Son fils Rolland, qui habite de son côté à Monaco, connaît aussi très bien l’opération immobilière de l’Étang. Il a notamment participé, en mars 2018, à l’inauguration du vaste chantier. Les deux autres descendants du patriarche sont toujours établis, pour leur part, en Belgique. De son côté, Investis garde une activité de gérance avec la société Privera. Mais ce groupe coté en Bourse est surtout l’un des gros propriétaires du canton. Son portefeuille immobilier pèserait 1,3 milliard de francs. Plus de 70% de ce patrimoine est investi à Genève, près d’un quart dans le canton de Vaud et une poignée en Valais. Sur ses quelque 70 immeubles résidentiels qu’il possède dans le canton, une trentaine sont situés en ville de Genève, une douzaine à Meyrin et le solde réparti sur d’autres communes.
En contrepartie de la vente de la Régie du Rhône, Investis précise reprendre un portefeuille de six immeubles résidentiels à Genève pour un prix de 62 millions de francs. L’état locatif annualisé de ces objets s’élève à 2,89 millions de francs, le taux de capitalisation moyen se montant donc à 4,6%, ce qui est usuel.
Article paru dans la Tribune de Genève le 14.08.2019 - Roland Rossier
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